Au Niger oriental, la région de Diffa, zone frontalière avec le Tchad et le Nigeria, présente une très forte diversité humaine et écologique – du désert du Sahara au nord aux rives du lac Tchad au sud. Différents groupes de pasteurs mobiles – Arabes, Fulani, WoDaabe, Toubous, Boudouma, partagent le même espace, affrontent les mêmes contraintes liées aux changements – climatique, économique et politique, mais développent des réponses très différentes. Les stratégies de mobilité, de gestion du troupeau, de réactivité aux marchés, d’innovations, d’adaptation aux politiques sont diverses, et leur efficience, variable.
Les transformations des liens sociaux de genre et de génération sont au coeur des réponses, et évoluent étonnamment vite. Les modes d’occupation de l’espace sont en constante évolution – entre stratégies de sédentarisation et accentuation de la mobilité, sécurisation de nouveaux espaces très convoités (comme ceux libérés par le spectaculaire retrait du lac Tchad) ou de l’emprise territoriale sur des terroirs d’attache parfois contestée ou menacée. Les relations de genre en sont affectées, ouvrant parfois aux femmes pastorales de nouvelles opportunités de capitalisation et de nouveaux espaces de pouvoir. Premières à souffrir de la dégradation générale des conditions de vie, leur soutien à un autre mode de vie pastoral mêlant tradition et modernisme constitue un levier majeur pour le futur du pastoralisme. Les femmes se montrent friandes d’innovations technologiques qui rompent l’isolement, comme le téléphone cellulaire, désireuses de développer avec leur mari des rapports de couple différents, où décisions et responsabilités sont plus équitablement partagées, et, pour tous, un mode de vie moins austère. De nouvelles valeurs – comme la primauté à la qualité de vie, l’accès à l’information, la communication, les relations avec la ville, l’éducation formelle, la maîtrise de leur fécondité, l’engagement dans des structures collectives – se développent avec leur implication.
Les jeunes sont vecteurs de modernisme; leur maîtrise de technologies nouvelles en milieu pastoral– téléphonie, véhicules tout terrain, leur mobilité spatiale et professionnelle liée à la diversification obligée de leurs activités, leurs facilités de contacts avec le milieu urbain, et avec les pays étrangers fréquentés lors des migrations, en font de véritables agents de changement. Ils se positionnent comme de nouveaux acteurs, mieux éduqués, écoutés et soutenus par les générations précédentes, respectés pour des savoirs utiles au groupe et que les anciens ne maîtrisent pas. Le classique conflit intergénérationnel tend parfois à se transformer en nouvelles solidarités, sous la pression des adaptations indispensables : les jeunes couples constituent un point d’entrée remarquable pour soutenir des stratégies durables. De nouvelles valeurs se développent, dans une vision étonnamment moderne d’un autre mode de vie pastoral, mobile, efficient et ouvert au monde, qui est la plus sûre garantie d’une occupation durable et paisible de ces espaces arides et convoités. Un défi majeur est que cet enjeu soit compris et soutenu par les politiques et les intervenants en développement.
File: Marie Monimart _Abstract_ French_ 11.01.11.pdf